vendredi 13 juillet 2012

INTERVIEW : Urban Junior - Two Headed demon (voodoo ryhthm records, 2010)


Les arrivages Voodoo Rhythm Records sont un moment attendu par tous les fans de garage. Un des rares labels qu'on achète les yeux fermés sans connaitre l'artiste tant les principes qui le guident sont inamovibles. Garantie d'une belle découverte garage blues ou rock, je suis donc un peu surpris en posant la galette de Urban Junior "two headed demon" sur ma palatine.
Des machines!
Urgence, Lo-fi, bordel organisé mais sonorités technoïdes voir dance-floor. Ce n'est certainement pas le rythm'n'blues des années 50 qui a bercé les oreilles de ce suisse allemand mais bien le début des années 90 et l'émergence du Hip Hop. Le pire, c'est que cette rencontre improbable fonctionne. "Two headed demon" arrive à faire bouger les foules malgré une esthétique trash-punk. Grand réconciliateur, Urban Junior mériterait d'être programmé en boîte de nuit. En attendant, il se produisait dans le cadre du big tinnitus festival à Lyon en novembre 2011, organisé par le Trokson et le Clacson. Benjamin l'a rencontré et grand seigneur on vous livre tout ça.

 
Qui est Urban Junior, et quoi de neuf sur ton projet?

Je n'aime pas trop le mot projet, quand j'ai commencé c'était une sorte de projet. Je jouais à des soirées où je faisais le jukebox, le public pouvait réclamer n'importe qu'elle chanson, je la jouais. J'ai commencé avec une guitare, une grosse caisse et une caisse claire. Je jouais à des soirées ou l'entrée était gratuite, c'était juste des soirées. Et je sais pas, ça a plu aux gens et c'est devenu de plus en plus gros, j'ai enregistré quelque chansons et ça ne s'est jamais arrêté. Moi même parfois je suis encore très surpris de voir jusqu'où je suis allé avec ce truc.


Tu ne fais pas partie de cette génération d'artistes qui s'est fait connaître sur le net ?

Bah ces trois dernières années, j'ai laissé tomber ces plateformes de réseaux sociaux. J'ai dû passer trois, quatre ans sur Myspace, à surfer des heures dessus et franchement je n'ai pas envie de recommencer (rires). Tu sais c'est sympa, fin septembre début octobre j'étais en tournée pendant trois semaines et j'ai lu sur le Facebook de quelqu'un un message réclamant que je rejoigne Facebook (rires). Mais ce n'est pas mon truc, je préfère tourner, jouer, j'aime voyager, rencontrer des gens.

Est-ce que c'est justement tes débuts à des soirées privées, où tu devais faire danser les gens, qui t'ont donné envie de mélanger des sons garage, rock et électro?

Non, non ils dansaient déjà avant que je joue le micro-corde... En 2006 j'ai fait quelques concerts en Allemagne avec John Schooley One mande Band, aussi sur Voodoo Rhythm, il était aussi en quelque sorte le guitariste rythmique pour R. L. burnside en tournée. Et c'est un homme très sage, qui joue de la guitare comme un dieu. J'ai beaucoup aimé me plonger dans ce vieux blues mais tu sais je suis très mauvais à la guitare et j'étais incapable de jouer toutes superbes mélodies blues, et quand je tournais avec John Schooley, je me demandais justement quelles étaient mes racines, tu vois. Je suis né en Suisse, dans les années 80 et gamin j'écoutais ces trucs genre RnB... Alors ouais ça a juste été une idée comme ça au début de jouer avec un clavier, et mélanger ces styles un peu discos beat, j'étais un grand fan de trucs comme les Beastie Boys, qui étaient quelque chose de complètement différent que ce blues dont on parlait. Tu vois j'ai essayé de mettre les deux ensembles, de les compléter.


Ta musique est plutôt instinctive, très directe pourtant elle semble être le résultat d'un acheminement très réfléchi, c'est difficile de penser à ce que tu joues, à savoir ou tu veux aller quand tu joues tout seul ?

Je n'y pense pas... hum... Tu sais, beaucoup des chansons que joue en studio, je les invente dans le studio. Je travaille maintenant avec... deux amplis, la guitare et le clavier et j'aime ça parce que ça sonne comme un groupe tout entier. Mais d'un côté, en tant que One Man band tu te dois de rester très spontané. Tu jouais des fausses notes, c'est ça qui fait qu'un One Man band est quelque chose de si particulier. Si le public peut l'entendre. Je ne joue pas avec beaucoup de samples. De mon coté j'essaye vraiment de rester le plus spontané possible. Parfois c'est dur.


Comment ça s'est passé quand tu es passé de la scène au studio ? La scène reste le format le plus adapté pour un one man band, comment tu t'en es sorti ? Les deux sont complètement différents.

Oui en effet. Bah quand je travaille dans le studio, 99% des morceaux sont enregistrés sur une prise.
Je vais en studio, j'ai des idées de paroles et je commence à jammer. Tu sais j'écris des chansons plutôt simples... j'essaye de faire confiance à mes sentiments. Mais bien sûr en studio c'est dur de recréer cette atmosphère live. En concert les gens sont là pour te voir, c'est un cauchemar pour tes yeux d'ailleurs, tous ces gens qui te regardent. Mais c'est ce regard qui fait que les gens ne sont pas obligés de t'écouter, tu n'as pas besoin d'être un fan de ce one man band, ou du genre de musique qu'il joue mais tu es juste sublimé par tout ce que ce mec arrive à faire tout seul. Tu sais il m'arrive encore de jouer les chansons que les gens réclament comme un jukebox, mais ça dépend... Je fais beaucoup de concerts hors salle, j'ai joué dans des toilettes, j'ai joué sur des bateaux et d'autres trucs comme ça. Quand tu ne joues pas sur scène je pense que tu as un rapport plus direct avec le public. Mais j'aime aussi jouer sur des grosses scènes, pour des festivals avec du gros son, genre « Je vais te détruire. »

C'est quoi l'endroit le plus fou où tu es joué ?

Il y en a plusieurs... J'ai joué dans les toilettes des femmes à un festival, ou je jouais entre les gros groupes. J'ai fait la première partie d'Iggy pop and The Stooges dans un opéra, c'est plutôt dingue aussi. Une des audiences les plus dingues que j'ai eu c'était que des mecs torses nus, qui faisaient des mouvements de karaté sur le dance-floor, il n'y avait vraiment aucune fille ! Après le show ils voulaient me vendre leurs frangines... ça c'était marrant... !

Parlons de ton dernier album, Two Headed Demon sorti chez Voodoo Rhythm Records. Cet album semble marquer une nouvelle étape, un niveau supérieur au niveau de ta composition. Il est peut-être plus travaillé, plus complet. Jusqu'à quel degré cet album est différent de tes anciennes productions selon toi .

Sur mon deuxième album E-bomb, j'ai commencé à bosser avec le keyboard et je cherchais encore à travailler sur le son et l'image, sur ce mélange de l'influence électro, techno ce que tu veux avec le garage, les sixties, rock'n'roll, blues. Il y avait des chansons pas mal sur E-bomb mais aussi beaucoup de jam, le son ne collait pas vraiment ensemble. Sur two Headed Demon, j'ai trouvé mon son je pense et son image. Ces deux trois dernières années j'y ai beaucoup réfléchi et aujourd'hui je l'aime beaucoup. Je ne suis pas sûr à 100% de qui est mon public, de qui aime mon son. Je n'ai pas un public typique. Il a des gens très branchés par le côté traditionnel du one-man-band et d'autres qui adore ce mélange et ces nouvelles expérimentations. 

Est-ce que c'est lié au fait qu'à l'époque tu signais sur un gros label, Voodoo Rhythm, très reconnu dans le milieu ?

Oui, bien sur ! Je veux dire, dès que j'ai commencé à jouer, j'ai fait beaucoup de concerts avec Beatman, on était tout le temps fourré ensemble. Donc j'étais là à faire des trucs avec presque tous les groupes de Voodoo Rhythm, et partout où j'allais on me disais : « Mais pourquoi est-ce que tu n'enregistres pas un disque chez Voodoo Rhythm ? ». J'en ai parlé à Beatman, et à sa réaction j'ai bien senti que mon troisième album pourrait se faire sur Voodoo ! (rires) un jour où on était en Allemagne, on a fait une battle, Beatman et moi, et à la fin il m'a dit : « eh, tu étais plutôt bon, on peut dire que j'en ai un peu chié ! Fais-moi donc écouter tes nouvelles chansons ! » (rires) J'étais très content, car Voodoo Rhythm est un label très connu, qui a déjà signé des groupes comme King Automatic, BoB Log, Beatman... Me dire que je bosse sur le même label que ces mecs me rendent fier et m'inspirent ! Quand je pense à tout ça, j'ai l'impression d'être sur la bonne voie ! (rires)

Tu es content de la visibilité que t'offre Voodoo Rhythm au sein du réseau « underground » dont tu fais partie ?

J'ai l'impression que ces dernières années la scène « underground » a vraiment pris une ampleur considérable, notamment grâce à internet et à toutes ces plateformes d'échanges qui te permettent d'explorer plein de nouveaux trucs qui viennent des quatre coins du monde. Bien sur, pour un mec comme quoi, c'est vraiment cool de pouvoir utiliser internet pour rentrer en contact avec les gens. J'ai pu alors travailler plusieurs fois avec ... Records, un label berlinois qui sort principalement des éditions limitées et ce genre de truc. On a dû échanger des mails pendant presque quatre ans avant de se rencontrer en chair et en os ! Internet et Voodoo Rhythm, par le biais de leurs partenaires tout autour du monde, c'est une chance incroyable d'avoir une visibilité un peu partout !
Tu me parlais tout à l'heure de tous ces one man band qui se trouvent déjà sur Voodoo Rhythm, est ce que ça t'a mis un peu la pression ?
Non, il n'y a eu aucune pression, je parlerais plutôt d'une chance ! J'ai joué avec beaucoup de groupes qui étaient signés avant sur Voodoo Rhythm, et j'ai rencontré tellement de gens cools... Je n'ai jamais croisé de tocards chez Voodoo Rhythm(rires) ! Ça m'a conforté dans l'idée que je me trouve au bon endroit, à ma place. Pas de pression, pas de trucs compliqués, que du bon ! (rires)